Qu’est-ce que le diabète secondaire ?

Le diabète secondaire désigne toute forme de diabète due à une cause clairement identifiée, différente des causes classiques (diabète de type 1, type 2, ou diabète gestationnel). Ici, ce ne sont ni une résistance à l’insuline issue de l’obésité, ni une destruction auto-immune du pancréas, mais bien une affection, un trouble ou un traitement qui va perturber la régulation du glucose sanguin de manière suffisamment marquée pour provoquer un diabète.

Cela peut concerner aussi bien des adultes que des enfants, et représenterait selon L’Inserm entre 1 % et 3 % des cas de diabète en France (Inserm). Si on le compare aux millions de personnes atteintes de diabète de type 2, ce chiffre peut sembler faible, mais il doit interpeller : comprendre ces causes secondaires est décisif pour mettre en place une prise en charge adaptée.

Les maladies responsables d’un diabète secondaire

Voici les principales pathologies susceptibles d’entraîner un diabète secondaire :

1. Maladies du pancréas

  • Pancréatites chroniques ou aiguës L’inflammation du pancréas, lorsqu’elle s’installe de façon chronique, peut endommager progressivement les cellules bêta responsables de la sécrétion d’insuline. On estime que 35 à 50 % des personnes atteintes de pancréatite chronique finissent par développer un diabète (Pancreatology, 2016). L’alcoolisme, les calculs biliaires ou des maladies génétiques (comme la mucoviscidose) peuvent être en cause.
  • Pancréatectomie partielle ou totale Lorsqu’une partie importante du pancréas est retirée (souvent à cause d’une tumeur), la sécrétion d’insuline chute proportionnellement. Jusqu’à 80 % des patients opérés d’une pancréatectomie totale présentent un diabète postopératoire.
  • Tumeurs du pancréas (notamment adénocarcinome) : outre la chirurgie, la tumeur elle-même peut détruire des zones du pancréas, entraînant un déficit insulinique.

2. Maladies endocriniennes

  • Maladie de Cushing (excès de cortisol) L’excès d’hormones glucocorticoïdes (endogènes ou exogènes) augmente la production hépatique de glucose et réduit l’action de l’insuline. Selon la Endocrine Society, jusqu’à 50 % des patients avec un syndrome de Cushing développent une intolérance au glucose, voire un diabète franc.
  • Acromégalie (excès d’hormone de croissance) Ici aussi, l’hormone antagonise l’action de l’insuline. 20 à 50 % des personnes souffrant d’acromégalie développent un diabète selon les études récentes (Frontiers in Endocrinology, 2022).
  • Phéochromocytome (tumeur surrénalienne) : cette tumeur entraîne une production excessive de catécholamines, qui augmentent la glycémie et peuvent aboutir à un diabète.

3. Maladies génétiques et hématochromatose

  • Hématochromatose : cette surcharge en fer, une maladie génétique fréquente dans le Nord-Ouest de l’Europe, peut se déposer dans le pancréas et détruire les cellules béta. Il s’agit d’une des toutes premières causes de diabète secondaire en France chez l’adulte d’âge mûr.
  • Fibrose kystique (mucoviscidose) Les atteintes pancréatiques sont telles que le diabète touche jusqu’à 50 % des adultes porteurs de la maladie (Cystic Fibrosis Foundation).

4. Certaines infections virales

  • Certaines infections aiguës, comme le virus ourlien (oreillons), la rubéole congénitale, ou des infections par certains entérovirus, peuvent contribuer à la destruction des cellules du pancréas, surtout chez l’enfant, et déclencher un diabète secondaire.

Les traitements médicaux pouvant induire un diabète secondaire

Certaines substances ou médicaments peuvent perturber la régulation glycémique et être responsables de l’apparition d’un diabète chez des personnes sans antécédents. Les plus couramment impliqués sont les suivants :

1. Les corticoïdes (glucocorticoïdes)

  • Indications fréquentes : traitement anti-inflammatoire pour l’asthme, polyarthrite rhumatoïde, lupus, greffes d’organes, etc.
  • Mécanisme : ces médicaments augmentent la production de glucose par le foie et réduisent l’efficacité de l’insuline.
  • Prévalence : Selon une étude britannique (BMJ Open, 2018), jusqu’à 20 % des personnes traitées au long cours par corticoïdes développent une hyperglycémie ou un diabète.

2. Les immunosuppresseurs et chimiothérapies

  • Ciclosporine, tacrolimus (utilisés notamment après une greffe) : ces médicaments peuvent endommager directement les cellules pancréatiques ou créer une insulino-résistance.
  • Interféron alpha (pour hépatites et certains cancers) : suspecté de déclencher un diabète secondaire chez environ 1 % des patients (Frontiers in Endocrinology, 2023).
  • Certains inhibiteurs de tyrosine kinase : comme l’imatinib (dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique), peuvent impacter la régulation du glucose, bien que le phénomène reste rare.

3. Les antipsychotiques atypiques

  • Olanzapine, rispéridone, clozapine : ces traitements utilisés en psychiatrie peuvent provoquer une prise de poids rapide mais aussi une résistance accrue à l’insuline. Selon les données de l’HAS, 10 à 20 % des patients sous antipsychotiques atypiques développent un trouble du métabolisme du glucose, allant parfois jusqu’au diabète manifeste.

4. Autres médicaments

  • Thiazidiques et bêtabloquants : certains médicaments antihypertenseurs peuvent augmenter le risque de diabète chez les personnes prédisposées.
  • Inhibiteurs de la protéase (utilisés pour traiter le VIH) : ils peuvent diminuer la sensibilité à l’insuline et modifier le stockage des graisses (lipodystrophie), deux facteurs de risque de diabète secondaire (Santé Publique France).

Reconnaître un diabète secondaire et l’importance du diagnostic

Le diabète secondaire peut se révéler de la même façon que les autres types de diabète : soif intense, besoins fréquents d’uriner, perte de poids inexpliquée, fatigue, voire infections à répétition. Ce qui fait la différence, c’est le contexte d’apparition : un diagnostic de pancréatite, un traitement récent par cortisone, une chirurgie du pancréas, ou la prise de certains neuroleptiques doivent alerter. Parfois, le diabète secondaire apparaît très rapidement (quelques jours à quelques semaines) après l’introduction d’un traitement ou dans l’évolution d’une maladie sous-jacente.

L’identification du caractère secondaire du diabète a des conséquences directes sur la gestion thérapeutique. Par exemple, certains patients doivent impérativement bénéficier d’une insulinothérapie précoce, d’autres verront leur diabète disparaître après l’arrêt du traitement en cause ou après prise en charge spécifique de la maladie sous-jacente.

Quels sont les risques spécifiques du diabète secondaire ?

Un diabète secondaire, quel que soit son mécanisme, expose aux mêmes complications à long terme (cardiaques, rénales, oculaires, nerveuses) que les autres formes de diabète, surtout s’il n’est pas traité suffisamment tôt. Mais il existe quelques particularités :

  • Rapidité d’installation : certains diabètes secondaires, par exemple après une chirurgie pancréatique, peuvent apparaître de façon très brutale.
  • Glycémies très fluctuantes : particulièrement quand la cause est un traitement intermittent (parfois on a un besoin accru d’insuline, puis celui-ci diminue).
  • Risque d’hypoglycémies plus élevé : chez les patients dont le pancréas produit aussi moins de glucagon (l’hormone qui fait remonter le sucre).
  • Possibilité d’inverser la situation : le diabète peut parfois régresser si la maladie sous-jacente est soignée ou que le traitement est arrêté.

Prévenir et prendre en charge : conseils pratiques

La première mesure : identifier les personnes à risque. Cela inclut les patients souffrant d’une maladie pancréatique, d’endocrinopathie, ceux qui reçoivent de fortes doses de corticoïdes, d’immunosuppresseurs, ou d’antipsychotiques atypiques.

  • En cas de traitements à risque (cortisone, etc.), la surveillance glycémique doit être renforcée dès la prescription, en particulier chez les personnes ayant des antécédents familiaux de diabète ou présentant un syndrome métabolique.
  • Adopter une alimentation équilibrée et promouvoir l’activité physique : cela reste une arme de prévention même pour les diabètes secondaires.
  • Communiquer avec son médecin : n’hésitez pas à signaler tout symptôme inhabituel lors d’un traitement nouveau ou d’une pathologie qui touche le pancréas ou les glandes endocrines.
  • Se faire accompagner : demander à bénéficier d’une consultation d’éducation thérapeutique pour comprendre la surveillance et adapter le traitement si besoin.

Perspectives : mieux comprendre pour mieux agir

Le diabète secondaire représente un véritable défi mais aussi une opportunité : celle d’une prévention ciblée, d’une réversibilité parfois possible et d’une approche thérapeutique personnalisée. Que l’on soit patient, aidant ou professionnel de santé, une bonne connaissance des facteurs de risque permet d’anticiper les situations à risque et de ne pas banaliser certains symptômes. La vigilance reste de mise, surtout pour les personnes exposées à des maladies ou à des traitements à risque.

Informer, surveiller, agir ensemble : c’est ainsi qu’il est possible de réduire l’incidence et l’impact d’un diabète secondaire, s’offrant au passage de meilleures chances d’un quotidien équilibré et d’une santé préservée. À l’aune de ces données, la question n’est plus seulement “Existe-t-il des causes de diabète secondaire ?” mais “Comment, ensemble, pouvons-nous prévenir et reconnaître ces diabètes pour mieux les prendre en charge ?”

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